La cage est multiple : la prison, la folie, la dérision, l'anesthésie imposée par les objets techniques et les procédures de contrôle. À cet ennemi s'opposent l'oiseau, les épiphanies de la vie, la rêverie empreinte de «luxe, calme et volupté», mais celle-ci a partie liée avec son contraire apparent : le désir éperdu, dont la violence permet peut-être de défoncer la cage. Défoncer la cage forme un diptyque avec Échapper aux tueurs (2011), l'un et l'autre livres de fictions et de textes informels qui sont pour Matthieu de Boisséson des écritures parallèles ou nécessaires à son travail de romancier.
Deux adolescents, Thomas et sa sœur Louise, vivent un dernier été à Oursière, avant de quitter un monde paysan en perdition. Légèreté, déchirement, c'est dans la lumière que naissent les amours, au gré des baignades, du surf et de discussions ferventes. S'y mêlent la violence, le charme des voyous, celui de protecteurs ambigus. Mai 1968. Frère et sœur sont pris dans la tourmente parisienne. Dans un climat d'illusion féerique, le dénouement de l'enfance est cruel et le roman est la réponse, «la plus ensoleillée possible», à une question formulée par Thomas : «Pourquoi, Louise, serons-nous toujours seuls ?»
Santiago et Andres, d'origine basque, anciens combattants de la République espagnole, vivent aux Etats-Unis depuis quarante ans. Ils se sont efforcés d'oublier leur passé et l'Espagne. Tous deux sont liés à Sarah, une jeune Américaine. Un vieil Anglais, Bentham, qui leur permit autrefois de s'évader du camp de Gurs en France, puis de gagner les Etats-Unis, sollicite à son tour leur aide. Ami et protecteur d'une autre tribu d'exilés, les Lorin, Bentham leur demande de retrouver la trace d'une jeune femme, Araceli Lorin, qui a mystérieusement disparu. Santiago, Andres, Sarah, s'engagent dans cette recherche qui les conduira vers l'Espagne, et le passé légendaire du Pays basque. L’aventure, à laquelle Santiago et ses amis se prêtent, leur permettra peut-être de réconcilier le passé et le futur, de retrouver une violence oubliée, de renouer avec une terre qui n'était plus qu'une matière à rêves. La scène finale de ce remarquable premier roman de Matthieu de Boisséson éclaire la véritable nature du lien qu'entretiennent ses personnages et que l'un d'eux nomme l' « amitié stellaire » : une amitié dont Nietzsche disait qu'elle est une rencontre d'étoiles dans le ciel, une protection réciproque mêlée parfois d’hostilité.